Première victime de la Sarkozyte
Retour sur une Présidentielle dont je me souviendrai longtemps :
Je ne me sens pas révolté mais résigné, maussade, fatigué. Je ne sais pas encore que mon état physique est du à la maladie qui a commencé à me ronger de l'intérieur. Avachi sur le canapé, je regarde le cirque médiatique qui commence à se mettre en place, avec son lot de connivences si prégnantes chez les journalistes français de l'audiovisuel. Ils ont déjà fait allégeance, et depuis longtemps, à Sarko Premier, premier flic de France et désormais patron suprême de notre République. On nous rabat à toutes les sauces la participation record. La participation électorale, c'est le « meublage » télévisuel nécessaire pour maintenir le gogo devant sa télé jusqu'à 20h. A chaque élection, c'est la même ritournelle. Attention, là c'est historique, messieurs dames. Un pourcentage record. Il en a de la légitimité le nouveau Président, oh là là ! Et quel homme, quelle prestance, quelle énergie ! Aille ! Je suis en train moi aussi d'être contaminé, après Enrico Macias, Mireille Mathieu, Johnny et toute cette clique d'« artistes » de seconde zone effrayés par un contrôle fiscal.
Ma tendre moitié me fait alors remarquer en ce dimanche soir de mai bien morose que j'ai les yeux jaunes. Les yeux jaunes ? Certes depuis deux semaines, je vomissais et avait mal au ventre, mais faisais confiance à mon médecin traitant, qui m'avait diagnostiqué une gastrite. Docteur Paumé il s'appelle, ça ne s'invente pas. Mais là, les yeux jaunes ! Hépatite ? En plus j'ai les selles claires, je chie blanc pour être précis. Mais les yeux jaunes, ça n'empêche pas de regarder la télé que je sache, qui plus est en couleur.
Il est 20h. C'est bien ça, 53%. Comment il doit jubiler le petit ! Il ne pense qu'à ça depuis si longtemps déjà. Revanche sur Cécilia qui n'est toujours pas là et qui n'a même pas voté en ce dimanche de mai. New York avec Machin ? Laissons à la presse people ce genre de détails pour aller voir l'ambiance en plateau. Ségolène intervient la première, dès 20h05, toute sourire, ravie comme une diva en fin de tournée exceptionnelle qui n'attend qu'une chose, de bientôt remettre ça. Hou hou, Sarkozy a gagné ! On en a pour cinq ans. C'est fou comme chez les Socialistes, en tous cas chez les dirigeants, l'intérêt personnel ou partisan prime sur nos intérêts à nous pauvres mortels. La preuve avec Strauss Kahn qui explique tout de suite sur France 2 qu'il fallait faire la révolution sociale démocrate, comme bien entendu il le réclamait depuis longtemps.
Bien que j'étais jeune, je me souviens encore parfaitement de mai 1995, le soir de l'élection présidentielle, Chirac en CX filmé vitre baissé par les journalistes de France 2 en moto en train de foncer sur les boulevards parisiens. C'était le début du degré zéro de l'information politique de nos soirées électorales. Et c'était France 2, le service public ! J'en viens souvent à regretter l'ORTF que je n'ai pourtant pas connu. Boycott de la redevance!
Tant pis. Au lit ! Urgences peut être demain. Je retournerai en tous cas voir mon médecin.
Lundi 7 mai, il est 10h. Nous faisons visiter le Sénat avec mes collègues à des collégiens. Tout le monde me dit que je suis jaune. Mais Sarko a gagné quand même ! Je suis jaune oui ! Rien ne sert d'être vert de rage. Il a été élu, désigné par les urnes, face à la candidate du Parti socialiste. Intense propagande médiatique pendant des années certes, mais sans assassinat de journalistes que je sache. Nous ne sommes pas en Russie. A la loyale donc, et moi jaune de dépit, d'autant que le Vert n'est plus à la mode depuis le premier tour de ces foutues présidentielles. Allez hop, direction chez le médecin, je ne vais quand même pas rester jaune durant tout le mandat de Sarkozy.
Sans doute une hépatite me dit le sieur Paumé. Direction un laboratoire d'analyses, bien situé, au coeur de Pigalle, là où l'on ne doit pas manquer d'analyses en tout genre. Résultats dans 48h. C'est un peu long non ? Trop pour ma moitié. Dès le lendemain matin, direction les urgences.
Services des Urgences, Hôpital Bichat, Porte St Ouen, Paris 18e arrondissement, mardi 7 mai, 11h du matin. Les urgences de l'hôpital Bichat c'est... comment dire ?...difficile, pour ceux qui y attendent des heures avec cette frénésie propre à la terminologie « urgence » mariée à leurs petits problèmes de santé, qui peuvent d'ailleurs au final basculer dans le gros problème très rapidement, comme le mien par exemple. « Glauque », mot quelque peu galvaudé mais qui résume assez bien le service et ses locaux. En état de décrépitude avancée, comme je l'imagine maintenant dans bon nombre d'établissements hospitaliers de France et de Navarre. Voilà un sujet qui jusqu'alors ne m'avait que très peu attiré l'attention. Bah oui, quand on est jeune, la maladie, c'est une hypothèse d'école. C'est en vieillissant qu'elle devient une frayeur de chaque instant, sauf chez les hypocondriaques j'en conviens.
Alors ce visage jaune d'oeuf ? Après quelques menus examens et une attente interminable, on décide vers 21h de me garder. Sarkozy est élu depuis à peine 48 h que je suis d'ores et déjà hospitalisé. Ca n'augure rien de bon. C'est un ICTERE il paraît. ICTERE. J'en conclus qu'il s'agit d'une Incapacité Corporelle par Traumatisme Electoral Radical à l'Elysée.
Je passerais les dix jours suivants à l'hôpital Bichat en service de gastroentérologie. Il y a un « obstacle » qui a provoqué cet ICTER, ce teint jaune, cette montée de bile, semble t'il. Ils vont finir par trouver les bougres. Après deux fibroscopies dans deux hôpitaux différents, ça y est, ils sont fixés. C'est un lymphome. Sympa, un p'tit cancer du système lymphatique, à 27 ans.
Non non, j'en suis sûr, c'est une bonne Sarkozyte. Petit virus énervé et extrêmement agressif qui infiltre un corps donné et prolifère jusqu'à occupation complète de l'espace par vampirisation. Certains comme moi sont touchés dans le système digestif, et d'autres sont bien plus gravement contaminés, au cerveau : Kouchner, Jouyet, Martin Hirsh, Fadela Amara, et j'en passe. Leur hémisphère gauche a été complètement ravagé par