Première victime de la Sarkozyte

Publié le par Ben

Retour sur une Présidentielle dont je me souviendrai longtemps :


6 mai 2007 : il est 18h. Depuis le premier tour, je ne me fais aucune illusion, conservant toutefois un petit espoir irrationnel de gauchiste croyant encore et toujours aux soubresauts inattendus du peuple de France. Mais là, 18h, à deux heures des résultats officiels, les faits sont là, implacables, indiscutables, définitifs. Sarko élu à 53% des voix. Sarkozy, le petit arriviste de Neuilly, est notre nouveau président de la République. Les Etats-majors politiques le savent, la presse le sait, mais on maintient le suspens jusqu'à 20h.

 
Je ne me sens pas révolté mais résigné, maussade, fatigué. Je ne sais pas encore que mon état physique est du à la maladie qui a commencé à me ronger de l'intérieur. Avachi sur le canapé, je regarde le cirque médiatique qui commence à se mettre en place, avec son lot de connivences si prégnantes chez les journalistes français de l'audiovisuel. Ils ont déjà fait allégeance, et depuis longtemps, à Sarko Premier, premier flic de France et désormais patron suprême de notre République. On nous rabat à toutes les sauces la participation record. La participation électorale, c'est le « meublage » télévisuel nécessaire pour maintenir le gogo devant sa télé jusqu'à 20h. A chaque élection, c'est la même ritournelle. Attention, là c'est historique, messieurs dames. Un pourcentage record. Il en a de la légitimité le nouveau Président, oh là là ! Et quel homme, quelle prestance, quelle énergie ! Aille ! Je suis en train moi aussi d'être contaminé, après Enrico Macias, Mireille Mathieu, Johnny et toute cette clique d'« artistes » de seconde zone effrayés par un contrôle fiscal.

 
Ma tendre moitié me fait alors remarquer en ce dimanche soir de mai bien morose que j'ai les yeux jaunes. Les yeux jaunes ? Certes depuis deux semaines, je vomissais et avait mal au ventre, mais faisais confiance à mon médecin traitant, qui m'avait diagnostiqué une gastrite. Docteur Paumé il s'appelle, ça ne s'invente pas. Mais là, les yeux jaunes ! Hépatite ? En plus j'ai les selles claires, je chie blanc pour être précis. Mais les yeux jaunes, ça n'empêche pas de regarder la télé que je sache, qui plus est en couleur.

 
Il est 20h. C'est bien ça, 53%. Comment il doit jubiler le petit ! Il ne pense qu'à ça depuis si longtemps déjà. Revanche sur Cécilia qui n'est toujours pas là et qui n'a même pas voté en ce dimanche de mai. New York avec Machin ? Laissons à la presse people ce genre de détails pour aller voir l'ambiance en plateau. Ségolène intervient la première, dès 20h05, toute sourire, ravie comme une diva en fin de tournée exceptionnelle qui n'attend qu'une chose, de bientôt remettre ça. Hou hou, Sarkozy a gagné ! On en a pour cinq ans. C'est fou comme chez les Socialistes, en tous cas chez les dirigeants, l'intérêt personnel ou partisan prime sur nos intérêts à nous pauvres mortels. La preuve avec Strauss Kahn qui explique tout de suite sur France 2 qu'il fallait faire la révolution sociale démocrate, comme bien entendu il le réclamait depuis longtemps.


Tous les politiques invités n'auront de toute façon pas plus de cinq secondes à chaque intervention pour s'exprimer, coupés en permanence par les images de Sarko 1er qui rentre dans un immeuble, qui en sort, qui monte dans une voiture, qui en sort, etc., rien que des activités somme toute passionnantes, suivi par une horde sauvage de « journalistes » en motos et scooters, poursuivant on ne sait trop quoi. Une phrase, un sourire, une espérance de promotion ?

 
Bien que j'étais jeune, je me souviens encore parfaitement de mai 1995, le soir de l'élection présidentielle, Chirac en CX filmé vitre baissé par les journalistes de France 2 en moto en train de foncer sur les boulevards parisiens. C'était le début du degré zéro de l'information politique de nos soirées électorales. Et c'était France 2, le service public ! J'en viens souvent à regretter l'ORTF que je n'ai pourtant pas connu. Boycott de la redevance!

 
Tant pis. Au lit ! Urgences peut être demain. Je retournerai en tous cas voir mon médecin.

 
Lundi 7 mai, il est 10h. Nous faisons visiter le Sénat avec mes collègues à des collégiens. Tout le monde me dit que je suis jaune. Mais Sarko a gagné quand même ! Je suis jaune oui ! Rien ne sert d'être vert de rage. Il a été élu, désigné par les urnes, face à la candidate du Parti socialiste. Intense propagande médiatique pendant des années certes, mais sans assassinat de journalistes que je sache. Nous ne sommes pas en Russie. A la loyale donc, et moi jaune de dépit, d'autant que le Vert n'est plus à la mode depuis le premier tour de ces foutues présidentielles. Allez hop, direction chez le médecin, je ne vais quand même pas rester jaune durant tout le mandat de Sarkozy.

 
Sans doute une hépatite me dit le sieur Paumé. Direction un laboratoire d'analyses, bien situé, au coeur de Pigalle, là où l'on ne doit pas manquer d'analyses en tout genre. Résultats dans 48h. C'est un peu long non ? Trop pour ma moitié. Dès le lendemain matin, direction les urgences.

 
Services des Urgences, Hôpital Bichat, Porte St Ouen, Paris 18e arrondissement, mardi 7 mai, 11h du matin. Les urgences de l'hôpital Bichat c'est... comment dire ?...difficile, pour ceux qui y attendent des heures avec cette frénésie propre à la terminologie « urgence » mariée à leurs petits problèmes de santé, qui peuvent d'ailleurs au final basculer dans le gros problème très rapidement, comme le mien par exemple. « Glauque », mot quelque peu galvaudé mais qui résume assez bien le service et ses locaux. En état de décrépitude avancée, comme je l'imagine maintenant dans bon nombre d'établissements hospitaliers de France et de Navarre. Voilà un sujet qui jusqu'alors ne m'avait que très peu attiré l'attention. Bah oui, quand on est jeune, la maladie, c'est une hypothèse d'école. C'est en vieillissant qu'elle devient une frayeur de chaque instant, sauf chez les hypocondriaques j'en conviens.

 
Alors ce visage jaune d'oeuf ? Après quelques menus examens et une attente interminable, on décide vers 21h de me garder. Sarkozy est élu depuis à peine 48 h que je suis d'ores et déjà hospitalisé. Ca n'augure rien de bon. C'est un ICTERE il paraît. ICTERE. J'en conclus qu'il s'agit d'une Incapacité Corporelle par Traumatisme Electoral Radical à l'Elysée.

 
Je passerais les dix jours suivants à l'hôpital Bichat en service de gastroentérologie. Il y a un « obstacle » qui a provoqué cet ICTER, ce teint jaune, cette montée de bile, semble t'il. Ils vont finir par trouver les bougres. Après deux fibroscopies dans deux hôpitaux différents, ça y est, ils sont fixés. C'est un lymphome. Sympa, un p'tit cancer du système lymphatique, à 27 ans.

 
Non non, j'en suis sûr, c'est une bonne Sarkozyte. Petit virus énervé et extrêmement agressif qui infiltre un corps donné et prolifère jusqu'à occupation complète de l'espace par vampirisation. Certains comme moi sont touchés dans le système digestif, et d'autres sont bien plus gravement contaminés, au cerveau : Kouchner, Jouyet, Martin Hirsh, Fadela Amara, et j'en passe. Leur hémisphère gauche a été complètement ravagé par la Sarkozyte. Mais eux, au lieu d’être hospitalisés, ils ont droit aux ors de la République. C’est à n’y rien  comprendre.

 
La France est malade et je suis malade. Avec mon lymphome non hodgkinien B diffus à grandes cellules (qui heureusement se soigne très bien, comme cela s’avèrera par la suite), j’ai l’outrecuidance et la mégalomanie de me proclamer comme PREMIERE VERITABLE VICTIME DE LA SARKOZYTE.      

Publié dans Lymphomania

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M
ton histoire a suscité des émotions mon fils ! forcément on serait ému à moins ! ce n'est pas si perso que ça d'abord ! jamais tu es vénère ! et je pense qu'un petit lymphome (même plus petit que le tient ! ) ne ferait  pas de mal à certains !!
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C
je ne sais pas si tu as remarqué.. tes articles plus perso engendrent plus de commentaires, mon cher.. et je te signale que j'aime pas trop le terme ma moitié.. ca fait un peu demi-portion! ta pleine et entière coline
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N
<br /> Je sais combien le combat contre "le crabe sarkozyte" est inégal, puisque l'adversaire est invisible (dans son corps) et partout en dehors, mais votre force me fait 1 peu penser à Néo de Matrixx. Désolée pour cette image de midinette, mais j’aime bien... Sans perdre de vue qu'un bon moral est un capital (bon humeur) dont il ne faut pas se passer en cas de pépins de santé, pépins dont vous allez revenir très vite. <br /> Je vous remercie de partager votre Être avec générosité et lucidité, j'ai malheureusement passé l'âge - et rien à voir avec mes connaissances politiques, que je qualifierais de sommaires - de croire que les Français peuvent se rassembler contre la dictature (qu’ils/qu’on sent(ent) déjà pourtant : ses belles mesures d’urgence d’avant élection remplacées par les vraies (santé, sécurité, service public et militaire, etc.), mais en vous lisant, j'ai toutefois l'espoir que des jeunes gens comme vous se serviront du pouvoir qu'ils ont d’ores et déjà par leurs convictions et doivent accroître pour nous sortir de la lobotomie dictatoriale. <br /> Non mais sans blague, baisser les bras... Pour quoi faire ?!!! Pour que Sarkon, après avoir déchirée la Gauche à coup de stratégie fumante d'ouverture, nous déchire tous à coup de "loi sur mesure" dans notre quotidien respectif ?! <br /> Outre l'envie que votre Blog m'a donné d'afficher le mien, il m'a raisonner dans ma décision de quitter, enfin, soyons honnête, FUIR la France. De toutes façons, à quels pays demander l'asile politique pour des ressortissants Français ??! Il n'est encore pas trop tard avant d'en être là, alors... y'a qu'à !<br /> Merci encore, Benjamin, patience & courage, Nora<br />
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E
Trève de plaisanterie....on se voit à Paris ou à Poitiers! bisous :)
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E
ahahahahaha!! Trop bien comme d\\\'hab\\\'!!! Perso, j\\\'ai des engines à répétition...mon médecin dit que c\\\'est la clope....je vais lui parler de la sarkosyte :)ps: t\\\'as eu mon sms, pour le train du 3 août? c\\\'est Ok?
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