Malaise des banlieues et diversité culturelle

Publié le par Ben



Le 27 octobre 2005, à la suite de la mort de deux adolescents dans un transformateur EDF alors qu’ils étaient poursuivis par la police, des émeutes ont éclaté à Clichy-sous-Bois, en banlieue parisienne, avant de se propager dans d’autres cités françaises. Les jeunes vivant dans les périphéries des grandes villes mettent le feu aux voitures. Ces évènements font resurgir au sein de l’opinion public le débat sur le « malaise des banlieues ». Ce phénomène que les médias nationaux et internationaux font mine de découvrir n’est pas récent. La « marche des Beurs » d’octobre 1983, avait déjà pour but la reconnaissance par la République de la population issue de l’immigration vivant principalement dans les banlieues des grandes villes françaises. 22 ans plus tard, le fossé tend à s’élargir entre cette dernière et le reste des citoyens.

En Belgique et en Allemagne, quelques véhicules incendiés sans raison apparente les 6 et 7 novembre, laissent à penser qu’une contagion européenne est envisageable. Dans le journal Bild am Sonntag du 6 novembre, Wolfgang Bosbach, numéro deux au Parlement allemand, déclarait ainsi que « les situations en France et en Allemagne divergent en partie, mais nous ne devons pas pour autant penser que de tels événements ne peuvent se produire ici ». L’Allemagne est une terre d’immigration importante, avec plus de trois millions de musulmans, la plupart d’origine turque, vivant principalement en banlieue.

Autre exemple en Italie, où Romano Prodi a déclaré le 5 novembre que le gouvernement devait prendre des mesures urgentes pour améliorer la vie dans les banlieues défavorisées afin d’éviter des émeutes du même type qu’en France, ajoutant que l’Italie possédait « les pires banlieues d’Europe ».

Face à ses inquiétudes perceptibles dans nombre de pays européens, les institutions de l’Union réagissent : Le 13 novembre, le Président de la Commission , José Manuel Barroso, a ainsi déclaré à propos de cette crise des banlieues qu’il s’agit d’ «  un problème européen ». Il a alors proposé à la France une enveloppe de 50 millions d’euros afin de faire face à ces violences. Mais les institutions européennes, notamment le Conseil, semblent souvent ne proposer en matière de politique d’intégration que des mesures de restriction de l’immigration. Il faut attendre des évènements dramatiques comme ceux de ces derniers jours pour que l’on débloque les fonds nécessaires à la mise en œuvre d’une réelle politique dans les quartiers défavorisés.

Si la solution n’est pas à chercher du côté des pouvoirs publics, qui privilégient encore trop souvent l’aspect sécuritaire, il faut peut être observer ce qu’il se passe au sein de la « société civile » un peu partout en Europe. Face aux incompréhensions réciproques, l’art au sens large peut s’avérer être une porte de sortie pour des jeunes « ghetthoïsés » dans leur cité, confrontés au chômage de masse et à un avenir incertain. La fameuse culture « hip hop », qui, partant des Etats-Unis, surgit dans les périphéries des villes d’Europe occidentale dans les années 80, permet alors à certains de s’émanciper et de revendiquer une culture leur appartenant en propre. En France, le Rap, les tags et toutes ces « cultures urbaines », offrent à une génération de banlieusards l’opportunité de revendiquer son identité, d’exprimer ses angoisses et ses déceptions face à un modèle sociétale qui ne répond pas à ses attentes. De nombreux projets artistiques intégrant ces cultures urbaines voient le jour dans les banlieues des villes européennes, à Paris, Lyon, Londres, Berlin, Munich, Turin, etc… Des mouvements associatifs ont compris depuis longtemps que l’art pouvait être un excellent outil d’intégration dans les quartiers défavorisés. Le réseau Banlieue d’Europe par exemple rassemble depuis 1992 des responsables associatifs, des universitaires, des représentants de municipalités et des artistes qui réfléchissent aux questions de l’intervention artistique dans les banlieues en direction des populations souvent issues de l’immigration. Il se charge de mettre en relation les acteurs du milieu culturel européen qui portent un projet d’émancipation pour ces populations, tel L’International Munich Art Lab : créé en 2001 à la suite de l’expérience très réussie du WestEndOpera, opéra hip hop joué avec des jeunes coupés du milieu scolaire, l’objectif de ce centre de formation est de donner à des personnes sans formation un bagage artistique apte à les réconcilier avec la vie active. A Villeurbanne, dans la banlieue de Lyon, le CCO, Centre culturel Œcuménique, promeut la diversité culturelle et soutient des projets artistiques. Pour Fernanda Leite, du CCO, « l’art recrée des possibles », surtout vis-à-vis d’une population immigrée mal intégrée et qui a alors tendance à « idéaliser son passé et sa culture traditionnelle ». Ces cultures urbaines se propagent à l’Est. Ainsi en Roumanie, Silvia Cazacu, de Banlieues d’Europ’Est, souligne que « la jeune génération reste très méfiante face à la politique et aux stratégies officielles. L’engagement associatif devient alors l’instrument le plus adapté et efficace pour faire évoluer les choses ». Un collectif de jeunes, www.2020.ro, promeut par exemple à Bucarest la culture de quartiers, le graffiti, le hip hop, et préparent la « révolution culturelle de 2020 ».

Si toutes ces expériences menées un peu partout en Europe par la société civile constituent un outil très positif pour l’intégration des populations défavorisées, elles ne sauraient constituer à elles seules la solution miracle au « malaise des banlieues ». Si par contre les pouvoirs publics nationaux et européens sont en manque d’inspiration concernant les politiques d’intégration à mettre en œuvre, ils ont partout sur le continent un réservoir d’idées émanant du milieu associatif infiniment riche. Il suffit juste de tendre l’oreille.

Publié dans Actualité Bin Jamin

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